Je vous propose un voyage transcendant dans le monde de la poésie en deux parties. La première aujourd’hui même et la seconde la semaine prochaine.

Qu’est-ce qu’une poésie ? Voyage dans l’essence et l’histoire de l’art poétique

La poésie est bien plus qu’une simple combinaison de mots : elle est un art ancien, une forme de langage qui transcende le quotidien, un miroir de l’âme humaine. Mais comment définir un concept aussi vaste et complexe ? Peut-être est-ce en remontant aux origines de la poésie et en explorant ses évolutions que l’on pourra saisir ce qu’elle est réellement.

Un art aussi ancien que l’humanité

La poésie est l’un des premiers arts, aussi ancienne que l’envie de communiquer l’invisible. Bien avant que l’écriture n’apparaisse, les poètes racontaient des histoires épiques, des mythes et des légendes à travers la parole. Chez les Grecs anciens, Homère chante l’Iliade et l’Odyssée pour immortaliser des épopées héroïques ; il utilise des vers réguliers et des formules répétitives pour faciliter la transmission orale. La poésie est alors un moyen de transmettre la mémoire collective, un pilier de la culture.
À cette époque, la poésie est chantée et rythmée, faite pour être récitée à haute voix. Elle est souvent associée à la musique, ce qui en fait un art total, conjuguant mots et sonorités. L’épopée et le lyrisme servent autant à raconter l’histoire d’un peuple qu’à exprimer des émotions personnelles, comme le fera ensuite la poétesse grecque Sappho avec ses vers d’amour et de passion.

La poésie médiévale : de l’amour courtois à l’expression religieuse

Au Moyen Âge, la poésie devient l’apanage des troubadours et trouvères en Europe. Les poèmes chantés exaltent l’amour courtois, cet amour idéalisé et souvent inatteignable. Les vers deviennent une déclaration, une quête vers la beauté et la perfection de l’être aimé. C’est le cas de poètes comme Chrétien de Troyes ou Guillaume de Machaut, qui manient les rimes et les images pour sublimer leurs sentiments.
La poésie médiévale aborde également des thèmes religieux, avec les poèmes dévotionnels qui expriment la ferveur des croyants. Les mystiques chrétiens utilisent des images intenses pour décrire leur communion avec Dieu. La poésie est alors un moyen de transcender la réalité matérielle pour toucher l’essence spirituelle.

La Renaissance et la naissance du sonnet : la structure au service de l’émotion

Avec la Renaissance, la poésie devient une discipline artistique où la forme occupe une place centrale. Les poètes comme Pétrarque en Italie, puis Ronsard et Du Bellay en France, popularisent le sonnet, un poème structuré de quatorze vers, souvent en alexandrins et disposés en rimes régulières. Cette structure stricte permet de contenir et d’organiser des émotions intenses dans un cadre précis, ce qui donne un équilibre entre la beauté formelle et la profondeur du sentiment.
Les poètes de la Pléiade, inspirés par les Anciens, prônent une poésie élégante et raffinée, dans laquelle chaque mot est choisi avec soin. Le poème devient une architecture complexe, un écrin pour les images poétiques. L’amour, la nature, la mort et la fugacité du temps sont autant de thèmes qui reviennent dans ces vers parfaitement ciselés.

Le Romantisme : la libération de l’âme et du vers

Au XIXe siècle, le mouvement romantique libère la poésie de ses contraintes classiques. Les poètes romantiques, comme Victor Hugo, Alphonse de Lamartine et Alfred de Musset, utilisent la poésie pour exprimer leur moi intérieur. La nature devient une confidente, et le poète se fait prophète, en quête de vérités cachées. Les vers s’allongent, les rimes se libèrent, et le lyrisme personnel s’intensifie. C’est une poésie de la révolte et de la passion, qui puise dans les sentiments humains pour toucher l’universel.
La poésie romantique est marquée par un amour de la liberté : elle ne se contente plus de chanter le beau, mais se veut aussi engagement, dénonciation, exaltation des idées. Victor Hugo, par exemple, utilise ses vers pour dénoncer les injustices sociales, en défendant les opprimés dans des poèmes comme Les Châtiments.

Le Symbolisme et la quête de l’invisible

À la fin du XIXe siècle, avec des poètes comme Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé, la poésie prend un tournant plus abstrait et mystérieux. Le Symbolisme explore l’invisible, les mystères de l’âme humaine et les aspects cachés de la réalité. Les symbolistes utilisent des images complexes, des métaphores obscures pour suggérer des émotions et des idées que les mots seuls ne peuvent exprimer.
Les poèmes deviennent presque des énigmes, jouant sur l’ambiguïté. Pour Mallarmé, «nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème». La poésie doit faire rêver, évoquer sans dire explicite, pour toucher les profondeurs de l’âme. C’est une poésie du non-dit, de l’infini, où chaque vers est un fragment de mystère.

Le XXe siècle et les vers libres : vers une poésie de la modernité

Le XXe siècle voit éclore des mouvements avant-gardistes, comme le surréalisme, qui bouleversent les codes. André Breton, Paul Éluard et Louis Aragon cherchent à libérer la poésie de toute contrainte, en explorant l’inconscient et les rêves. Les vers libres deviennent l’expression d’une modernité en rupture avec les traditions, un espace de liberté totale.
La poésie s’engage aussi politiquement et socialement. Aimé Césaire, avec la Négritude, utilise la poésie pour célébrer l’identité et la culture africaine et dénoncer la colonisation. La poésie devient une voix de résistance, un outil pour défendre des personnalités, dénoncer les oppressions et célébrer la dignité humaine.

Alors, qu’est-ce qu’une poésie ?

À travers les siècles, la poésie s’est transformée, passant de la rigueur formelle à une liberté totale. Aujourd’hui, elle continue de se réinventer, mêlant prose et vers, en quête de nouvelles formes pour exprimer l’indicible.
Mais une chose demeure : la poésie est une quête de sens et de beauté. C’est un langage de l’émotion, un moyen de communiquer ce qui ne peut être dit autrement. Elle saisit des fragments de vie, les sublimes, les explore sous des angles nouveaux, les libère de la banalité. La poésie est, avant tout, un espace où l’âme humaine peut s’épanouir, un lieu de méditation où l’on dépose nos peurs, nos joies, nos désirs.
En somme, la poésie n’a pas de définition unique, car elle est plurielle et changeante. Elle peut être un sonnet parfait ou un murmure indéfini, un cri ou une berceuse. Ce qu’elle est, c’est la voix intérieure de l’humanité, qui trouve dans les mots un écho à son éternel besoin de sens et de beauté.
Modestement, je me suis essayé à écrire de la poésie et quelques recueils sont nés et ont été publiés à compte d’éditeur par la défunte maison Prem’édit.
Vous pouvez les découvrir sur ce site sous la rubrique La Boutique de l’Écriveur.

Exemple d’un poème de Jean-Louis RIGUET – Frayeur sur la ville, dans Pétales Éclectiques, 2016

FRAYEURS

A

D’habitude paisible,
Aujourd’hui ville meurtrie et habitants choqués.
Le pays tout entier doit se lever, se relever,
Pour faire face à l’adversité
Car l’un est éternel et l’autre éphémère.

B

Frayeur sur la ville

Dans la ville la foule s’éparpille
Indifférente
Chacun va et vient
Vaque à ses occupations
L’un se projette dans l’avion
Qu’il convoite
L’autre se chagrine dans le métro
Bondé
Soudain la frayeur coiffe la ville
De noirceur
Des bras imbéciles poussent les bagages
Sourds
Remplis ras la gueule d’engins de mort
Balourds
Les bombes éclatent avec mission
De tuer
Les armes crépitent pour
Exterminer
Tout s’écroule dans des cris
D’épouvante
Le noir de fumée envahit les zones devenues
Poussiéreuses
L’indescriptible prend le pouvoir
Anarchiquement
Le rouge sang afflue et se répand
Aveuglément
Il repeint les êtres abasourdis
Et meurtris
Le noir est touché dans son symbole
D’autorité
Le jaune transforme sa joie en triste
Mensonge
Le rouge mute son amour en
Colère
Le drapeau tricolore belge saigne avant de se
Redresser
Nota : Le drapeau belge est noir, jaune et rouge.

C

Anarchiquement
Des bras imbéciles tuent
Noirceurs et rouge sang

Frayeur sur la ville et le poète

Présentation
Ce poème est lui aussi composé de parties avec des vers non rimés, mais qui donnent un qualificatif à chacun. C’est l’émotion ressentie à la suite des attentats à Bruxelles en Belgique en 2016 qui est à l’origine de ce poème.

Rappelons qu’à partir de 2015, une vague d’attentats djihadistes touche l’Europe occidentale à l’initiative de l’État islamique. Plusieurs attaques terroristes ont été perpétrées à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015. L’enquête de celles-ci conduit vers la Belgique d’où sont originaires les trois terroristes, dont un seul survit. Une enquête amène les forces policières à Forest, qui est une commune de la banlieue sud-ouest de Bruxelles. Le survivant des attaquants est arrêté le 18 mars 2016 sur la commune de Molenbeek pour “meurtres terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste”.

Le 22 mars 2016, quatre jours plus tard, deux attaques suicides interviennent à Bruxelles. Une heure les sépare. Elles sont revendiquées par l’État islamique et font trente deux morts et trois cent quarante blessés.

Le poète est très ému par cette vague d’attentats et ce poème en résulte.

Analyse
Le poète commence par relater l’indifférence de la ville ce jour-là. Chacun “vaque à ses occupations” et “la foule s’éparpille/ indifférente“. Mais dans la gare tout ne se passe pas comme d’habitude. “Des bras imbéciles poussent les bagages/ sourds“. Ils sont lourds, car “remplis ras la gueule d’engins de mort/ balourds“. Et c’est la tuerie, la frayeur envahit la ville. Les bombes éclatent, les armes crépitent. Le noir de la fumée envahit tout sur son passage. Et “le rouge sang afflue et se répand/ aveuglément.

Et le poète évoque le drapeau belge, chacune de ses couleurs. Le noir est touché, le jaune est transformé, le rouge mute. En un mot, “le drapeau tricolore belge saigne avant de se/ redresser“.
Le poète dénonce à sa manière cette vague d’attentats inutiles et improductifs.

Le message du poète
Le poète veut dénoncer l’imbécilité de tels attentats perpétrés gratuitement. Pourquoi ? Une fois les travaux de remise en état terminés, la vie reprend son cours et continue. Le problème des “attenteurs” n’est pas réglé et reste au même niveau que précédemment.
Des hommes ont péri pour rien. Attentats inutiles.
Quel est l’intérêt de détruire pour détruire ?
Anarchiquement/ des bras imbéciles tuent/ noirceurs et rouge sang“.
Que dire de plus ?

© 06 novembre 2024 – Jean-Louis RIGUET, Sociétaire de la Société des Gens de Lettres avec la complicité de ChatGPT, pour librebonimenteur.net


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Parution : Bricemaël et la Butte des Élus - Éditions 7e Ciel DECOUVRIR ICI

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