La Toussaint, célébrée le 1er novembre, et la fête des morts, mémorables le lendemain, sont des moments de mémoire et de recueillement profondément ancrés dans la culture française. Si la première rend hommage à tous les saints, connus ou anonymes, la seconde est un moment dédié aux défunts. Ces célébrations offrent aux écrivains et poètes français une source d’inspiration inépuisable, permettant de méditer sur des thèmes universels comme la vie, la mort, la mémoire et le sacré. Dans la littérature, la Toussaint et la fête des morts revêtent une signification symbolique qui dépasse les rituels religieux pour explorer la complexité de la condition humaine.
Les fêtes des martyrs
Depuis le IVe siècle, des fêtes honorent tous les martyrs dans les Églises orientales le dimanche après la Pentecôte. Actuellement, c’est toujours à cette date que la Communion des Églises orthodoxes célèbre le dimanche de tous les Saints. AU Ve siècle également, à Rome, les saints et martyrs sont honorés le dimanche après la Pentecôte.
Puis, il y eut la transformation du Panthéon de Rome en sanctuaire. Alors, le pape Boniface IV le consacrait à la date du 13 mai 610, sous le nom de l’église Sainte-Marie-et-des-martyrs. La fête de la Toussaint sera alors fêtée le 13 mai, date anniversaire de la dédicace de cette église consacrée aux martyrs. C’est peut-être également en se référant à une fête célébrée par l’Église de Syrie au IVe siècle, qui remplaçait la fête des Lemuria de la Rome antique célébrée à cette même date pour conjurer les spectres malfaisants.
La fête chrétienne de la Toussaint est célébrée au 1er novembre en Occident depuis le VIIIe siècle depuis le pape Grégoire III a dédié à tous les saints une chapelle de la basilique Saint-Pierre de Rome. Vers 835, Grégoire IV a ordonné que cette fête soit célébrée dans toute la chrétienté et Louis le Pieux institua la fête de tous les saints dans l’ensemble du territoire de l’Empire carolingien.
Dès le IXe siècle, la célébration fut suivie à certains endroits d’un office des morts. Et en 998, les moines de Cluny instituèrent une fête des trépassés le 2 novembre et celle-ci entra dans la liturgie romaine comme commémoration de tous les fidèles défunts au XIIIe siècle.
Mais le culte des morts est resté célébré au 1er novembre.
Dans la soirée du 31 octobre, veille de la Toussaint, il est fêté Halloween, qui est une fête folklorique originaire des îles anglo celtes.



Dictons régionaux
Des dictons traditionnels, parfois discutables, ont été perpétués pour les pays tempérés de l’hémisphère nord.
De Saint Michel à la Toussaint, laboure grand train,
Á la Toussaint, sème ton grain,
Á la Toussaint, manchons au bras, gants aux mains”,
Á la Toussaint blé semé, aussi le fruit enfermé (ou les fruits serrés).
Á la Toussaint, commence l’été de la Saint-Martin,
Ou au contraire à la Toussaint, le froid revient et met l’hiver en train
S’il neige à la Toussaint, l’hiver sera froid, mais s’il fait soleil à la Toussaint, l’hiver se précoce,
S’il fait chaud le jour de la Toussaint, il tombe toujours de la neige le lendemain,
Telle Toussaint, tel Noël,
Autant d’heures de soleil à la Toussaint, autant de semaines à souffler dans ses mains,
Suivant le temps de la Toussaint, l’hiver sera ou non malsain.
De la Toussaint à la fin de l’Avent, jamais trop de pluie ou de vent,
Entre la Toussaint et Noël ne peut trop pleuvoir ni venter,
Vent de Toussaint, terreur du marin,
Le vent souffle les trois quarts de l’année comme il souffle la veille de la Toussaint,
La Toussaint venue, laisse ta charrue,
Le jour des morts ne remue par la terre, si tu ne veux sortir les ossements de tes pères.
La Toussaint dans la littérature : la sainteté comme idéale morale et spirituelle
La fête de la Toussaint, célébrant tous les saints, inspire de nombreux écrivains français qui s’interrogent sur la notion de sainteté et de pureté spirituelle. La figure du saint est souvent représentée comme un modèle de vertu et de bonté, une incarnation de valeurs morales que le profane est invité à méditer.
Dans Les Misérables de Victor Hugo, le personnage de l’évêque Myriel est une figure quasi-sacrée. Dès le début du roman, Hugo dépeint Myriel comme un homme de bonté et de compassion absolues, prêt à se sacrifier pour le bien des autres, même pour les âmes les plus perdues. L’épisode où il pardonne à Jean Valjean, voleur repenti, en lui offrant les lustres en argent incarne la notion de pardon et de rédemption propre à la sainteté : « Je vous ai racheté votre âme… elle m’appartient maintenant, mais je la rends à Dieu ». Myriel représente une figure de sainteté qui, par sa bonté et sa foi, parvient à toucher les cœurs les plus endurcis, illustrant un idéal moral universel qui va au-delà de la simple religion.
L’écrivain Paul Claudel explore également l’aspiration à la sainteté dans L’Annonce faite à Marie. Ce drame mystique place la quête de pureté spirituelle au centre de son intrigue, avec des personnages qui se confrontent aux épreuves et aux dilemmes moraux. Claudel fait de la sainteté un chemin de dépassement de soi, où les personnages sont amenés à transcender leurs désirs personnels pour atteindre une forme d’élévation spirituelle. C’est une vision de la sainteté où le sacrifice et la foi permettent aux personnages de trouver un sens plus profond à leur existence, créant un parallèle avec le message de la Toussaint.
La fête des morts : mémoire et recueillement, une tradition littéraire de l’introspection
Le 2 novembre, jour de la fête des morts, invite à honorer la mémoire des défunts. En littérature, ce thème du deuil et du souvenir est récurrent, et plusieurs auteurs français ont exploré cette relation entre la mémoire et la mortalité.
Paul Valéry, dans son célèbre poème Le Cimetière marin, mêle la contemplation de la mer et la méditation sur la mort, dans un cimetière lumineux qui surplombe la Méditerranée. La mer devient une image de l’infini et de la permanence, face à la condition éphémère de l’homme. Valéry écrit : « Ce toit tranquille, où marchent des colombes, / Entre les pins palpite, entre les tombes », montrant ainsi comment la nature et la mort se rejoignent en un lieu d’éternité. Le poème invite le lecteur à une réflexion sur la vie et l’inéluctabilité de la mort, la Toussaint et la fête des morts devenant des symboles de cette oscillation entre l’éphémère et le transcendant.
Dans un registre plus introspectif, Marcel Proust fait de la mémoire le thème central de À la recherche du temps perdu. Bien que la Toussaint ne soit pas évoquée, la question du souvenir des disparus traverse son œuvre. Le narrateur, obsédé par le passé et les visages qui l’ont marqué, illustre la façon dont les morts continuent de vivre dans la mémoire des vivants. Par ses réminiscences, il raconte les époques et les souvenirs, et montre ainsi que le souvenir est une forme de perpétuation des disparus : « Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus ». La fête des morts devient, pour Proust, une manière d’explorer le poids du passé et la nécessité d’accepter la disparition, tout en conservant vivante la mémoire.



Une symbolique de l’éphémère et de l’éternité : poèmes et visions macabres
La Toussaint et la fête des morts sont souvent marquées par la tension entre l’éphémère de la vie humaine et la quête d’éternité. Les poètes français, particulièrement inspirés par ce contraste, abordent la mort avec des images saisissantes, entre attirance et révulsion.
Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du mal, explore la mort sous des formes aussi esthétiques que terrifiantes. Dans le poème Une Charogne, il décrit de manière provocante le corps en décomposition : « Et le ciel regardait la carcasse superbe / Comme une fleur s’épanouir ». Baudelaire invite ainsi le lecteur à contempler la beauté du macabre, la charogne devenant le symbole de la mortalité humaine et de la transformation. Le poète, en jouant sur l’horreur et le beau, propose une réflexion sur l’impermanence des choses et sur l’acceptation de la finitude de la vie.
À l’inverse, dans Le Pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire évoque la mort de manière plus douce et mélancolique, en la rapprochant du souvenir d’un amour passé. Le poème exprime une sorte de deuil, où le passage du temps emporte les souvenirs et les êtres aimés : « Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure ». Apollinaire utilise l’image de la Seine, qui emporte le passé comme la mémoire emporte les défunts, pour souligner la fluidité du temps et l’inéluctabilité de la séparation. La fête des morts est ici implicitement présente comme un rituel de mémoire, où le passé et le présent se confondent.
Conclusion : un univers symbolique de la condition humaine
La Toussaint et la fête des morts dans la littérature française révèlent des perspectives multiples sur la vie, la mort et la place de l’homme dans le monde. Les écrivains et poètes, en s’inspirant de ces jours de mémoire et de recueillement, transcendent les rituels religieux pour atteindre une dimension universelle et philosophique. Les œuvres de Hugo, Claudel, Valéry, Proust, Baudelaire et Apollinaire illustrent la diversité des façons de concevoir la mortalité et la mémoire : tantôt avec résignation, tantôt avec espoir, et parfois avec fascination. Ces fêtes deviennent ainsi un miroir de l’âme humaine, qui célèbre autant les vivants que les morts, dans une quête d’éternité qui traverse les siècles.
© 01 Novembre 2024 – Jean-Louis RIGUET, sociétaire de la Société des Gens de Lettres, avec la complicité de Wikipédia et de ChatGPT, pour librebonimenteur.net
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