Des mots pour vous
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JL à l’écoute de …
Aujourd’hui Claude Cailleau
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1/ Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ?
Claude CAILLEAU.
Mon nom me vient d’un ancêtre qui habitait un lieu caillouteux, ou qui vendait du fromage (du caillé). J’aime ces origines très paysannes.
Ma vie commence à Sablé (72) l’année du Front Populaire. Après des études au Mans et à Rennes, j’ai enseigné le français (et les lettres) en collège pendant près de 40 ans, avant de revenir habiter à 500 mètres de la maison où je suis né.
En Sarthe, donc, mais la Bretagne est ma province d’élection : je me suis marié à Port-Louis (56) en 1958. Je suis le patriarche d’une nombreuse famille : 4 enfants, 11 petits-enfants et un arrière-petit-fils. Ma femme et moi revenons à Port-Louis plusieurs fois chaque année. La Bretagne est très présente dans mon œuvre et je suis membre de l’Association des Écrivains Bretons.
Mon parcours est décrit dans le 451e Encres Vives paru en février 2016.
Adolescent, je lis Jean Barois, roman de Roger Martin du Gard, un livre austère mais qui me passionne. J’écris à l’auteur. Il m’invite. Je passe une journée chez lui, au Tertre dans l’Orne. J’écrivais déjà dans les petites revues de poésie de l’époque. Martin du Gard fait lire mes textes à Jacques Brenner qui publiait Les Cahiers des Saisons aux éditions Julliard. Je suis accueilli dans la revue. Je figure dans les sommaires aux côtés de Philippe Jaccottet, Supervielle, Jean-Louis Curtis, Henri Thomas, Bernard Noël, Jean-Louis Bory, Matthieu Galey, etc.
En 1971, Mon premier roman, Stef et les goélands, est édité par Julliard. Le livre me vaut une belle lettre de Marcel Arland, rédacteur en chef de la NRF, et en 1972 le prix Paul Flat de L’Académie Française.
Mais, alors que tout semble bien parti, je décide de ne plus publier et me contente d’écrire mon journal. Trop intime, celui-ci finira dans un grand feu en 1995.
Après 27 ans de silence, en 1999, je recommence à proposer mes livres aux éditeurs. Mais, pensant qu’à 63 ans je n’intéresserais plus les grandes maisons parisiennes, je choisis de petits éditeurs indépendants. Qui m’accueillent sans problème, ce qui me rassure. En 17 ans, j’ai été publié par une dizaine d’éditeurs. Vous vous demandez sans doute pourquoi je ne suis pas fidèle à l’un d’eux ? Parce que j’ai besoin, à chaque fois, de passer l’examen devant un comité de lecture qui ne me connaît pas. Quand mon ouvrage est pris, je suis rassuré.
2/ Que faisiez-vous avant d’écrire ou parallèlement à l’écriture ?
En même temps que j’enseignais, j’animais des ateliers littéraires dans les collèges, afin de mettre en relation élèves et écrivains. Nous publiions des revues auxquelles ont collaboré Yves Bonnefoy, Jean-Claude Renard, Claude Roy, Andrée Chedid, Henri Troyat, Hervé Bazin, Jacques Brosse, Marie-Claire Bancquart, Christian Signol, et beaucoup d’autres. Nous faisions des enregistrements de livres pour les enfants aveugles de deux établissements d’Angers et Vertou. Ces activités ont donné matière à une valise pédagogique au CDDP d’Angers et à des articles d’information destinés aux enseignants, dans Échanger, revue du CRDP de Nantes.
En même temps, je poursuivais ma politique du contact avec les écrivains dont j’aimais les livres. C’est ainsi que j’ai rendu de fréquentes visites à Marcel Arland, à la NRF dans les années soixante-dix, passé un après-midi avec Troyat dans son appartement de la rue Bonaparte, accueilli Hervé Bazin dans ma classe au Collège François Villon des Ponts-de-Cé, visité plusieurs fois Julien Gracq en sa maison de la rue du Grenier à Sel à Saint-Florent Le Vieil, visité Jacques Brosse et ses chevaux en Sarthe puis près du site magdalénien.
Si bien que, la retraite venue, j’ai fondé en 2008 une revue littéraire trimestrielle, les Cahiers de la rue Ventura, dans laquelle je publie des dossiers sur mes écrivains de chevet, de la poésie contemporaine, des pages d’enfance et des textes critiques sur les arts. J’ai décidé d’arrêter cette publication en juin 2018 avec le n° 40, pour le 10e anniversaire de la revue. J’aurai 82 ans, et envie de faire autre chose.
3/ Qu’aimez-vous ou pratiquez-vous comme autre art ? La peinture ? La sculpture ? Le cinéma ? La photographie ? Le théâtre ? Quelle est votre autre passion ?
Je ne pratique aucun autre art. La peinture, la sculpture m’intéressent. La musique me stresse, j’évite d’y être exposé trop longtemps. Seules les chansons à texte trouvent grâce devant moi.
En revanche, j’ai été longtemps un jardinier passionné. Un beau jardin de fleurs, c’est aussi une œuvre d’art. Dans la propriété où je vivais à la campagne, je pouvais préparer une bonne ratatouille uniquement avec des légumes de mon jardin ! Je suis réputé dans la famille pour ma ratatouille et… une sangria dont je ne communique à personne la composition ! Je considère que la cuisine est aussi une forme d’art.
4/ Qu’attendez-vous de vos lecteurs, admirateurs ? Comment vous faites-vous connaître ? Comment allez-vous à leur rencontre ?
Des admirateurs ? N’exagérons pas. Je n’écris pas pour recevoir quelque chose de mes lecteurs. J’écris pour communiquer. Pour apporter, et qu’on se souvienne de moi. Quand on me demande pourquoi j’écris, je réponds : pour ne pas mourir. Je pense que les bibliothèques ne doivent pas être des cimetières. Lorsque je serai mort, dans un futur proche ou lointain, il suffira qu’un lecteur sorte un de mes livres (et se reconnaisse dans ce que j’aurai écrit là) pour que je revive.
Pour faire connaître mes ouvrages, je me fais une petite publicité sur la Toile, je participe à des salons, j’alimente mon blog de temps en temps. Je fais envoyer des services de presse aux revues et celles-ci, en général, font écho à la sortie de mes livres. Mais je suis un auteur modeste : Mon roman chez Julliard avait été tiré à 4 000 exemplaires. On m’a payé des droits d’auteur sur 2 000 ex. Ensuite, comme les libraires ne le demandaient plus, il a été pilonné. Mon meilleur tirage après 1999 a été les 500 exemplaires de mon album aux éditions Grandir. Pour ma biographie de Pierre Reverdy, je ne sais pas, ayant abandonné mes droits d’auteur à l’éditeur, qui avait plus besoin que moi de cet argent.
5/ Faites-vous des rencontres, des lectures ou des conférences sur vos ouvrages ?
Dans la première décennie de ce siècle, je suis intervenu à plusieurs reprises dans les établissements scolaires, du cours élémentaire au lycée. Et même une fois, à l’Université d’Angers.
Quand ma biographie de Pierre Reverdy est parue, j’ai donné une conférence sur le poète un peu partout en France. Puis on m’en a demandé une sur l’autobiographie, parce qu’on connaît mon goût pour cette littérature. Et j’ai fait des causeries sur la poésie pour donner ma conception de l’écriture poétique. Je lis encore de temps en temps mes poèmes devant un public.
6/ Depuis quand écrivez-vous ? Qu’avez-vous déjà écrit ?
Je devais avoir 13 ou 14 ans quand j’ai commencé à tâtonner pour écrire de la poésie. Des alexandrins aux rimes chantantes. Mon maître alors était Musset ! Mais je suis vite passé au roman. Et à Mallarmé, mon poète d’élection.
En 2013, j’ai publié chez Éditinter une anthologie pour donner à un lecteur éventuel une idée de mon travail en littérature. Dans le livre on trouve, outre une belle préface de Jean-Marie Alfroy qu’il a intitulée « Le Sphinx de Sablé », des fragments de mes mémoires, des poèmes, quelques récits, des études, des pages de mon Journal et même un court chapitre de roman (encore inédit). Excepté ce dernier texte, tous les autres étaient parus en revues pendant une décennie.
Il faut ajouter quelques livres d’artistes, ma biographie de Reverdy et ma participation à de nombreuses anthologies. J’ai aussi collaboré à des ouvrages collectifs sur l’École de Rochefort, parus aux presses de l’Université d’Angers.
Ma bibliographie vient de paraître sur mon blog, à la page « Automne 2017 ». En tout, près de vingt livres.
http://www.petitpave.fr/petit-pave-auteur-claude-cailleau-5.html
7/ Quel est votre dernier livre ? Pouvez-vous nous en parler ?
Mon dernier livre a pour titre : Je, tu, il – Remonté le temps, sondé le silence. Le titre dit beaucoup, déjà. Dans ma revue, je publie de la poésie et je constate souvent que ce qu’on m’envoie en vers libres, n’est que de la prose tronçonnée arbitrairement par des auteurs qui ne se sont jamais interrogés sur leur art, et qui vont à la ligne sans savoir pourquoi. Écrire de la poésie, pour moi, c’est un travail. Le texte fini doit être resté un moment « sur l’établi ».
Il se trouve que mon petit livre est mort. Je veux dire qu’il est devenu introuvable, l’éditeur étant décédé au printemps 2017 et sa Maison fermée depuis septembre.
En poésie, j’ai tout tenté : Le vers traditionnel, le vers libre, le verset, pour finir avec la prose. Je, tu, il est composé de brèves proses.
« Sans l’artifice d’une disposition en vers pour signaler qu’il s’agit bien de poésie, le texte est seul, avec ses images, son rythme, ses sonorités (sa musique), son langage particulier, pour que le lecteur l’accepte comme poème ».
Tout est dit. Le n° 39 de ma revue, au printemps 2018, présentera un dossier sur l’écriture de la poésie.
8/ Où peut-on se procurer vos ouvrages ?
Mes livres font l’objet d’un dépôt légal à la BNF. Ils sont pourvus d’un ISBN. Normalement, on peut les commander à l’éditeur, à la FNAC ou sur Amazon. Mais aussi chez un libraire s’il est sérieux, et désintéressé !
Une anecdote… En septembre 2004, les Éditions Grandir publient mon album de poèmes pour enfants intitulé C’est ma vie, c’est la tienne.
En octobre, un ami va voir son libraire pour commander le livre. Réaction du libraire : « oh, ça c’est vieux. C’est épuisé depuis longtemps » ! Notre homme ne voulait pas se donner la peine de commander un seul livre à un modeste éditeur de province, livre qui n’allait lui rapporter que quelques euros. J’ai conseillé à mon ami de changer de libraire.
9/ Quelle est votre position par rapport aux publications à compte d’éditeur, à compte d’auteur, ou à compte participatif ? À l’e-book?
Je suis pour la publication à compte d’éditeur. Il faut avoir le courage de passer l’examen d’un comité de lecture. Et de remettre l’ouvrage sur l’établi s’il a été refusé.
Le compte d’auteur est souvent une tromperie. L’éditeur accepte votre manuscrit, même s’il est mauvais ; et il vous

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fait payer le prix fort. Son seul souci, c’est de se faire de l’argent sur le dos des auteurs. Le plus étrange, c’est qu’il se trouve des gens assez naïfs pour accepter les contrats proposés.
Compte participatif, e-book ? Je ne connais pas.
Plutôt que le compte d’auteur, mieux vaut choisir l’autoédition. Finalement, dans le prix d’un livre, ce n’est pas le coût de l’impression qui est le plus élevé.
10/ Quel est le conseil le plus important que vous ayez reçu ? Pas forcément pour les livres.
Dans une de ses lettres, Roger Martin du Gard à qui je parlais de mon admiration pour le style de son ami André Gide, m’écrivait : « Si Gide vivait encore, il vous mettrait lui-même en garde contre son style ». Et il ajoutait : « Avant d’écrire, il faut vivre ; sinon, où puiserez-vous l’expérience nécessaire ? » Voilà pour le fond.
La forme, maintenant… Georges Jean, poète, essayiste, qui fut mon professeur de lettres en second cycle, badigeonnait de rouge mes copies et, de son écriture presque illisible, jetait dans les marges ce jugement qui m’énervait prodigieusement : « Style fleuri ! » avant de conseiller : « Supprime les adjectifs et les adverbes » et de me recommander la concision dans mes écrits.
Tout est dit. Ce sont les meilleurs conseils que j’aie reçus ; ils ont influencé mon travail d’écrivain.
11/ Que préférez-vous écrire ou lire ? Des romans, des poésies, des essais, des nouvelles, des biographies ?
Le grand lecteur que je suis depuis mon adolescence a évolué avec les années. S’agissant du roman, j’ai eu ma période polar, puis un goût marqué pour l’anticipation ; mais très vite je suis venu au roman psychologique, avec une préférence pour ceux que l’on devinait à forte coloration autobiographique. Après une petite parenthèse Nouveau Roman, je suis revenu à des livres où le personnage était au centre du récit.
Depuis quelques années, les romans m’ennuient. Je leur préfère les récits de vie, les journaux d’écrivains, et, pour mon travail de revuiste, les essais et la poésie.
12 / Comment écrivez-vous ?
La maison où nous habitons, ma femme et moi, nous l’avons voulue très ouverte. La cuisine, la salle à manger, le salon, les deux bureaux communiquent par de larges ouvertures sans portes. J’ai moins besoin de solitude et de silence pour écrire.
Que je travaille sur un récit ou sur un livre de poèmes, la démarche est la même : je ne peux commencer à rédiger que lorsque le projet est bien ficelé, que j’en ai une idée claire, et la certitude que je n’ai plus qu’à laisser courir la plume (j’écris toujours à la main ; la saisie sur l’ordinateur ne vient que lorsque le texte est rédigé et que j’ai jugé sa forme satisfaisante. Auparavant, il est resté longtemps sur l’établi et s’est chargé de ratures et d’ajouts.) Écrire est un travail.
Mes ouvrages en poésie ne sont pas des recueils, mais des livres. Souvent, les poètes écrivent de courts poèmes qu’ils rangent dans une chemise. Quand ils pensent en avoir assez, ils relisent, essaient de classer (sans toujours y parvenir) : Le résultat est un recueil. Je donne souvent comme exemple de ma façon de procéder mon livre intitulé Le Roman achevé. À l’origine, un poème (le mot est au singulier) de 2 638 vers, composé de 16 suites. La journée du poète, de 5 heures à 20 heures… le quotidien, les souvenirs qui lui reviennent, les livres qu’il ressort de sa bibliothèque, la vie, tout simplement. Cet ouvrage est d’abord paru sous forme d’un livre d’artiste tiré à 95 exemplaires. Très vite épuisé, il a été repris par un éditeur en édition courante. Pour la circonstance, j’ai réécrit le texte en versets. Et j’ai gardé à l’adresse des curieux les six versions manuscrites de ce Roman achevé (clin d’œil, on l’aura compris, au Roman inachevé d’Aragon) Si je n’avais utilisé que l’ordinateur, les traces de ce travail auraient été perdues.
http://www.printempsdespoetes.com/index.php?url=poetheque/parutions_fiche.php&cle=1890
13/ Où puisez-vous votre inspiration ? Avez-vous eu des commandes d’ouvrages ?
Suivant le conseil de Martin du Gard dont je parlais il y a un instant, je travaille avec mon expérience, je puise dans mes souvenirs. Ils sont toujours à l’origine de mes projets. Mais mon imagination a sa part dans le texte achevé. La poésie transforme le réel par le choix d’un langage spécifique. Dans le récit, l’imagination vient voiler, ou même cacher le réel. Je suis pour une utilisation calculée de l’autobiographie.
Oui, un éditeur m’a commandé un ouvrage, un jour. Il venait de publier mon roman pour adolescents ; il m’a dit : « Vous habitez près de Solesmes, vous m’écririez bien une biographie du poète Pierre Reverdy… » J’ai pris mon bâton de pèlerin et, aidé de ma femme, parcouru la France en quête d’archives. Relu l’œuvre, aussi. Accumulé 500 feuilles de notes. Et rédigé en un mois ce Dans les pas de Reverdy qui est paru en 2006.
Dans la foulée, le même éditeur m’a demandé si je ne pourrai pas écrire un livre sur les écrivains que j’ai fréquentés et leurs maisons. J’ai promis d’y penser, beaucoup voyagé pour concrétiser ce projet, mais je ne suis pas sûr, actuellement, de pouvoir le finaliser. Trop d’autres projets viennent parasiter celui-ci.
14/ Comment construisez-vous vos intrigues, vos personnages ? Vos personnages sont-ils toujours imaginaires ?
Ma démarche se rapprocherait plutôt de celle de Martin du Gard, qui accumulait des notes de toutes sortes sur l’intrigue, les décors, les personnages. Je serais peu tenté d’imiter André Gide partant à l’aventure avec ses Faux-Monnayeurs. Mes personnages souvent ont existé, mais je leur prête une vie en fonction de mon projet.
Un exemple… Dans La Croix d’or, mon roman pour adolescents, les deux personnages principaux, Sophie et Vincent (qui s’appelaient en réalité Céline et Jimmy) étaient dans une de mes classes au Collège des Ponts-de-Cé. Ils se querellaient tout le temps ; moi, malicieusement, je les ai rapprochés : ils sont devenus amoureux l’un de l’autre. Une autre histoire, donc, mais ce sont leurs visages que j’avais devant les yeux quand j’écrivais. Quant au prof du livre, c’est moi ! Je lui ai prêté le comportement que j’avais devant mes élèves, avec mes qualités et… mes défauts.
15/ Quel conseil donneriez-vous aux amateurs d’écriture ?
Ceux que m’ont donnés Roger Martin du Gard et Georges Jean. Je leur conseillerais aussi la modestie et la persévérance : dans cette activité, tout le monde connaît des échecs.
16/ Quels sont vos auteurs préférés ?
En poésie, mes goûts ont évolué. Longtemps, les livres d’Aragon et Éluard ont accompagné mes jours. Puis je suis revenu vers Mallarmé, qui reste pour moi LE POÈTE. Plus récemment, Yves Bonnefoy et Philippe Jaccottet sont venus remplacer les deux premiers cités. Sur la poésie très contemporaine, que je lis par curiosité, je ne peux me prononcer.
Chez les prosateurs, je citerai Gide pour son style (un grand plaisir de lecture) mais surtout Marcel Arland pour la pureté de la langue (personne n’a écrit mieux que lui), et ce passage incessant de la fiction à la réalité ; un écrivain modeste, tourmenté, qui a fait du bois de sa vie en souffrance une œuvre.
Puisque nous en sommes à l’autobiographie, je citerai encore François Nourissier et Annie Ernaux. Tous deux en lutte permanente contre ce qu’on peut nommer leurs complexes. (Mais j’ai toujours eu des doutes sur la sincérité du premier.)
17/ Que lisez-vous en ce moment ?
Le Journal de Matthieu Galey (1953-1986). La vie littéraire de son temps.
Par moments, je reprends L’Inachevable, d’Yves Bonnefoy, ses Entretiens sur la poésie de 1990 à 2010. C’est du Bonnefoy, concentré, ardu : il faut s’accrocher mais le plaisir vient très vite, en récompense.
En permanence, tout proches de moi quand j’écris, sur les rayonnages derrière mon bureau, deux livres encore : la pléiade des Œuvres de Jaccottet, et le quarto des Œuvres complètes de Louis-René des Forêts.
Enfin, je me prépare à commander le quarto des Œuvres de Georges Perros. « Ce que j’écris, disait-il, est à lire dans un train, par un voyageur qui s’ennuie, et qui trouve sur la banquette, oublié, un de mes bouquins ». L’homme m’a toujours intéressé. Son mode de vie, son destin, tragique, finalement. Ses Papiers collés sont un pur chef-d’œuvre. On n’est pas loin de Marcel Arland.
18/ Travaillez-vous sur de nouveaux projets ?
J’ai plusieurs projets déjà bien avancés, mais le travail généré par ma revue occupe une bonne partie de mes journées. D’où la décision de couler cette revue en juin 2018.
Mes projets ?
Honorer la commande de mon éditeur sur les écrivains que j’ai approchés dans ma longue vie.
Rédiger un bref récit sur le parcours de mon père, qui, c’est original vous en conviendrez, a commencé à travailler à 8 ans, en 1914. Comme bicard. C’est ainsi qu’on nommait ces gamins qui, dans les fermes, étaient les domestiques à tout faire.
Préparer une anthologie de mes poèmes. J’ai décidé de ne plus en écrire, de peur de radoter. Je considère que le dernier livre paru clôt ma recherche sur l’écriture de la poésie. Le dossier du n° 39 de ma revue va traiter de ce sujet. Je vais laisser la parole aux poètes et éditeurs.
Enfin, j’ai toujours en vue la publication de mon journal. Celui que j’ai commencé en 1995, après avoir brûlé le précédent, trop intime. Celui-ci est plus « extime », suivant la formule de Michel Tournier.
https://michel-diaz.com/lettre-poete-claude-cailleau/
19/ Avez-vous des dates d’événements à venir ?
Bien sûr. Mais le temps qui passe fait qu’un événement à venir est vite du passé. Dimanche prochain (ce sera le 29 octobre) dans un petit salon de livres et de peinture du Maine-et-Loire, je présenterai ma revue Les Cahiers de la rue Ventura le matin, et l’après-midi je ferai des lectures de mes poèmes.
Mais ce n’est qu’un petit événement.
20/ Où peut-on suivre vos actualités ? Vos parutions?
Sur la Toile : deux émissions de France 3 Pays de Loire ; dans la première je présente ma conception de la poésie ; dans la seconde, ma femme et moi parlons de la Revue.
On peut aussi suivre mon actualité
Sur mon blog : < http://clcailleau.unblog.fr >,
Sur le site des Auteurs du Maine, qui répertorie avec vigilance toutes mes publications et les parutions de ma revue,
Sur les sites de Michel Diaz, Texture, Vocatif, Décharge, L’Anacoluthe (dans le n° 40 de l’Iresuthe, une belle « lettre à Claude Cailleau » de Michel Diaz).
On peut encore m’entendre dans des entretiens radiophoniques,
avec Roland Nadaus sur RCF 61,
avec Christian Saint-Paul sur < les-poètes.fr >
avec Christophe Jubien sur < radiograndciel.fr >
Enfin, il suffit de taper mon nom sur Google pour faire apparaître toute une liste d’informations sur mon travail.
Merci à Jean-Louis Riguet de m’avoir proposé ce questionnaire et de m’accueillir sur son blog « librebonimenteur.net »
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Le 26 octobre 2017,
Claude Cailleau
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Les mots de la mer
Quelque part au Port-Louis, dans la crique d’automne ouverte au large, aux tempêtes, j’ai ramassé un vieux galet apporté là par la marée.
Chantera-t-il encore, ce galet de misère, granit roulé, frotté, usé dans le délire des tempêtes, chantera-t-il encore si je le sollicite, un soir de neige, dans mon village perdu quelque part dans la campagne et les années ?
J’ai ramassé ce vieux galet, doux à mes doigts comme une peau de fille, comme une peine qui s’épuise à vieillir, et voilà maintenant qu’au creux de ma main c’est la Bretagne qui s’attarde et me retient, paisible dans le soir, au clapot de sa vague.
Claude CAILLEAU
(« Cocktail de vie », Éditinter, 2013)
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Je t’écris de la mer
Je t’écris de la mer. C’est au Port-Louis. Tu te rappelles ? … Le vent, la poussière des embruns, les galets encore chauds de nos mots lancés contre l’oubli.
Tu poussais du pied (le soir nous environne, le bateau de Groix sillonne la rade) les pierres de l’année dernière. Les mêmes. Je les reconnais à leur bruit de sanglot usé.
Oh, nous avions marché. Marché, pieds nus sur les arêtes des rochers, sur les patelles pétrifiées.
Et regardé. Regardé les vieux marins sur la jetée, rescapés de combien de naufrages.
Nous étions revenus. Au Port-Louis. Pour le souvenir. Et voir. Revoir…
la Bretagne reposer dans sa peau de légende.
C’était dans les années soixante, tu te rappelles… les vieux marins, figés comme des bollards sur le quai, les yeux lointains, qui regardaient pensifs le sang du soleil s’étaler sur la mer.
Ailleurs, le sang des hommes coulait, violent, sur le sable avide, dans le désert insatiable où pleuraient, où mouraient les enfants et les femmes.
Et j’étais là, qui écrivais sur le jour paisible de mon pays ! Je suis là, je suis las. Les années ont passé, suivies d’autres années.
Avec le temps, va, tout s’en va…
Je t’écris de la mer pour que tu te souviennes.
Claude CAILLEAU
(« Le Roman achevé », Éd. du Petit Pavé, 2009)
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Les chemins d’une vie…
À Georges, mon père,
homme de peine, homme de cœur.
… S’en va sur le chemin.
Chancelle au vent mauvais,
la vieille silhouette.
Et refait le parcours,
tremble, avance deux pas,
Trois pas, c’est trop de deux déjà.
Une horloge le suit,
fragile. Ô le silence
qui gît dans l’or du balancier.
Et fouille dans ses jours.
Vienne la nuit
Sonne l’heure
(C’est Guillaume qui pleure)
Ainsi va le bonhomme
dans l’automne qui meurt.
Se rappelle la robe noire,
tranquille. Elle, qui marche.
Gréco, lunaire silhouette.
Seule mais sereine,
sur la scène, dans la lumière.
Le deuil à fendre l’âme
chante grave dans son rire.
Silencieuse soudain.
Désabusée. Puis tire
sa révérence. Adieu Madame.
Si tu t’imagines
qu’ça va, qu’ça va, qu’ça…
va durer toujours…
la saison des amours…
ce que tu te goures…
Et radote le vieux.
Queneau, Apollinaire,
la Seine coule sur vos vers.
Ailleurs, le poète venait,
S’en venait, s’en venait,
vers toi qui t’en allais.
Tu te rappelles, Barbara…
Abritée sous un porche,
quand la pluie et Prévert
se racontaient la guerre,
Le sang noir sur la mer…
la joie évanouie, la guerre…
Le peintre a posé ses pinceaux,
essuie ses mains à son passé.
Les rues racontent et les ponts.
Et la seine sereine
épouse son histoire…
Ah, Prévert,
ton cancre de lumière
dans l’aube des lampadaires !…
Claude CAILLEAU
Extrait de Narratif 2, dans le recueil
« Sur les Feuilles du temps »
(Éd. Écho Optique)
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Je remercie sincèrement Claude Cailleau d’avoir eu l’amitié de se livrer à ce jeu des questions-réponses.
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Auteur, sculpteur, peintre, photographe, acteur, comédien, théâtreux, styliste, musicien, chanteur, colleur de papiers, en un mot artiste sans discrimination de l’art pratiqué,
si vous aussi, vous êtes intéressé par mon écoute et la publication sur ce blog, merci de vous manifester par e-mail soit directement sur le site soit à l’adresse suivante : jlriguet@gmail.com.
La publication sur le site est ponctuelle au gré des réceptions des questionnaires.
Chaque chronique est ensuite partagée sur Facebook, Twitter, Linkedin, Google+, Pinterest et parfois Tumblr.
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Pour se manifester si vous êtes intéressé par le questionnaire :
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Tout sur mes livres :
https://sites.google.com/site/sitejeanlouisriguetauteur/home
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https://www.youtube.com/channel/UCcLyJcrYJkDfuM9zm6mfbCQ
https://jeanlouisriguetecriveur.blogspot.fr/
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© Jean-Louis RIGUET 31 octobre 2017
Sociétaire de la Société des Gens de Lettres
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Riguet
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1 Comment
Heureux de découvrir un peu mieux Claude Cailleau que j’ai croisé un peu et qui est une belle personne. Voilà qui nous change des cuistres et des faiseurs. Les deux conseils qu’il a reçus, celui de Martin du Gard et celui de Georges Jean sont d’excellents conseils assurément. Merci Jean-Louis pour ce bel entretien !
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