JL à l’écoute de… Aujourd’hui Chérif Zananiri

Chérif Zananiri, un ingénieur passé par le CAPES et l’Agrégation de physique, et les écoles d’ingénieur ainsi que les Mines de Paris, pour enfin arriver à l’écriture de livres. Il y est venu à la demande d’éditeurs parisiens avant de succomber à sa passion, l’écriture, lui qui prétend n’en avoir aucune.

Chérif Zananiri

Quel est votre parcours Chérif Zananiri ?
Mon parcours est linéaire en dépit des à-coups. Après le bac, les études universitaires, les concours du CAPES puis de l’Agrégation de physique, je me suis trouvé en classes préparatoires aux grandes écoles, puis les écoles d’ingénieur, en particulier les travaux publics et les Mines de Paris. Le ou les premiers livres furent tous scientifiques, parfois à ma guise et parfois en réponse à des demandes d’éditeurs parisiens : Ellipses, Pôle, Eyrolles, etc.

Quelle est votre passion ?
Difficile d’en parler car je n’en ai guère. Toutefois, tout ce que je fais, je l’entreprends comme s’il s’agissait d’une « œuvre ». Je suis passionné toujours, quoique ce soit assez fatigant.

Qu’attendez-vous de vos lecteurs, admirateurs ?
J’espère voir mes lecteurs contents de leur lecture, qu’elle leur apporte quelque chose, au-delà du conseil que l’on donne entre amis. Cela implique que le texte soit impliquant. Je m’en suis rendu compte tout récemment sur deux séries de livres, l’un sur les femmes battues et l’autre sur le féminisme, aujourd’hui et hier.

Faites-vous des rencontres, des lectures ou des conférences sur vos ouvrages ?
Oui, absolument et en grand nombre. Mon dernier thème ! L’histoire des premières femmes élues municipales en 1926, donc bien avant l’obtention du droit de vote. On peut imaginer les problèmes posés. Autres thèmes : Le rôle des femmes lors de la Grande Guerre et bien d’autres thèmes.

Depuis quand écrivez-vous ?
Écriture depuis les années quatre-vingt. Cela explique le grand nombre de publications. Je pense 77, toutes couleurs confondues.

Quel est votre dernier livre ?
Le tout dernier, sorti cet été l’histoire de Joséphine Penn Sardin. L’histoire de la première femme élue au conseil municipal de sa ville à Douarnenez. Cela a lieu en 1926 ! Donc bien avant l’obtention du droit de vote. Quant au prochain, il a lieu à la fin de ce mois de novembre : « À la poursuite du diamant infernal ». Cela se passe en 1905, à Paris, avec comme protagoniste principal, le shah d’Iran. Les deux romans sont historiques.

Où peut-on se procurer vos ouvrages ?
En principe, chez les libraires dans la grande majorité.

Quelle est votre position par rapport aux publications à compte d’éditeur, à compte d’auteur ou à compte participatif ? À l’e-book ?
Je pense qu’il faut imaginer un monde multiforme et non uniforme et monocolore. J’utilise les éditeurs et parfois je travaille à mon compte (minorité).

Quel est le conseil le plus important que vous ayez reçu ?
J’ai une mauvaise mémoire. Je ne crois pas qu’on m’en ait donné… je suis désolé pour les conseilleurs. C’est aussi la raison pour laquelle je ne donne pas de conseil, ou pas trop, ou pas tout le temps.

Quel conseil donneriez-vous aux amateurs d’écriture ?
Je leur conseille (tient ! de ne pas trop écouter les conseilleurs, suivre leur instinct, mettre leur amour-propre dans la poche… s’arrêter de temps en temps et voir l’origine de leurs problèmes : l’histoire, le style, les méthodes de travail…

Que préférez-vous écrire ou lire ?
Bio et roman et souvent des constructions historiques.

Comment écrivez-vous ?
J’écris de façon intense jusqu’à épuisement de l’histoire et du bonhomme, plusieurs heures par jour. Puis je laisse le temps pour que le texte se repose. Je le reprends par la suite au moment où le texte est oublié ; la lecture permet alors d’avoir la distance requise pour bien corriger le texte.

Où puisez-vous votre inspiration ? Avez-vous eu, en vue d’écriture, des commandes d’ouvrages ?
Tout m’inspire, ce qui explique la diversité des histoires et des livres. Oui, lorsque je travaille pour la physique, j’étais tout le temps sollicité, puis le dernier livre (celui sur Penn Sardine) est lui aussi une commande de Ouest-France.

Comment construisez-vous vos intrigues, vos personnages ?
Souvent, pas toujours, mes romans sont historiques et mes personnages réels. Je ne peine pas à les dessiner ; de toute façon, leur tête, leur caractère se dessinent progressivement. Tout avance en marchant.

Quels sont vos auteurs préférés ?
Les romanciers du 19e. Puis d’autres de ce siècle, majoritairement première moitié, ils sont donc morts ; ex : Sartre, Camus,..

Que lisez-vous en ce moment ?
Rien. Je suis entre deux sorties, j’ai besoin de m’oxygéner.

Travaillez-vous sur de nouveaux projets ?
Oui. Les féministes de la Belle Époque.

Avez-vous des dates d’événements à venir ?
Oui, le 25 novembre pour la sortie du prochain romain sur le diamant volé du shah.

Où peut-on suivre vos actualités ? Vos parutions ?
J’ai un blog qui s’ajoute à la quotidienneté de Facebook. https://cherifzananiri.squarespace.com/

Le 8 novembre 2022
Chérif Zananiri

Note de Chérif Zananiri sur les personnages historiques

Je me permets de vous communiquer un texte pour répondre à une question fort importante. Elle concerne les personnages historiques lorsqu’on les fait apparaître dans les romans. Ici, c’est le cas de Joséphine Pencalet, la Penn Sardin.

L’écriture de ce récit n’a pas été chose simple : comment à partir d’une histoire personnelle, passer au destin universel ? L’action de Joséphine Pencalet n’a circulé que depuis ces derniers mois au cours desquels on s’intéresse au rôle des femmes dans la société. Il en découle que nos sources d’information sont ténues et que notre héroïne n’a laissé aucun document susceptible de nous aider.

Je me suis appliqué à bien situer la société douarneniste à son époque ; comment comprendre la difficulté de vie des pauvres gens à l’époque, sans croiser les pas du pêcheur fatigué de sa longue journée, sans évoquer la sardinière après 72 heures consécutives de travail, sans insister sur l’inhumanité des patrons sardiniers de l’époque. Je suis convaincu que ces rapides croquis et ce simple coup d’œil, jeté sur la vie des gens simples de son époque, sur ses premières actions, la présenteront mieux à ceux qui cherchent une bonne représentante de la lutte ouvrière et donner un nom qui flamboie comme un phare et qui raisonne comme un chant de triomphe en évitant le catalogue de dates aride et l’énumération de façon exhaustive de tout ce qu’elle a dit et fait.
Il y avait plusieurs écueils.

Peindre des gens simples mais de façon non caricaturale. Ce ne sont des personnages qui jouent des rôles ; encore pire, c’est que les personnages jouent trop bien leur rôle. Non comme des hommes, mais comme des acteurs. On voit moins leurs actes que leurs gestes, leurs mouvements de capes et leurs enjambées. Ils tombent dans la page du livre comme sur les planches, la réplique à la bouche et la silhouette avantageuse, avec une voix et une attitude de théâtre. Toutefois sans humanité.

Je ne voulais pas peindre un tableau où tout semble avoir la même importance, de près et de loin et décrire avec le même relief les couleurs des cheveux de Joséphine et son action à tel ou tel moment de son action. Il faut donc veiller aux lois de la perspective.
La place juste du roman historique est dans de petits coins de l’histoire, où des personnages qui n’ont pas cherché la lumière, ont mené une vie assez aventureuse pour exciter l’imagination, et une vie assez mal connue pour laisser libre un champ où l’imagination ajoute à l’aventure autant qu’il lui plaît. Nous avons voulu cet écueil.
L’objet de l’historien : « pas l’homme, jamais l’homme, les sociétés humaines, le groupe organisé »… Sinon, on passe de l’histoire avec un grand H à l’histoire de…

En racontant une histoire, singulière, celle d’une personne, en l’occurrence celle de Joséphine, illustre la vie de toute la cité, de toute une population, homogène qui n’exerçait qu’un seul métier, difficile, mais hérité depuis toujours. On passe ainsi du singulier au pluriel, au général. Comprendre Joséphine, c’est comprendre le peuple qui vit (et meurt) de la pêche en ce début du vingtième siècle. On passe ainsi de la biographie à l’histoire. Encore que nous avons eu bien du mal à aller plus loin que nos prédécesseurs pour apprendre la vie de cette dame lorsqu’elle a quitté les feux de la rampe, dépossédée de son mandat, uniquement parce que c’était une femme et que celle-ci n’avait ni le droit de vote, ni le droit d’être élue.
Rappelons-nous les soucis d’Irène Joliot-Curie, Sous-Secrétaire d’État entre les deux guerres (pendant le Front populaire), devant agir comme une ministre sans avoir le pouvoir d’élire.

Si le romancier remplit les espaces que l’histoire a abandonnés, l’historien qui veut rester fidèle, pour une personne aussi secrète, il sera dommage, pas un excès d’imagination lui donner figure humaine. Par sa discrétion elle a cherché l’anonymat avec une vie identique à celle des gens de son métier. Cela suffit ; il n’est guère nécessaire d’aller plus loin pour lui faire accomplir des métiers utiles pour monter sa biographie en film de cinéma. Nous n’avons donc pas rempli les trous de la raquette. Nous savons toutefois que dans le pays douarneniste, le nom de Joséphine Pencalet continue à intéresser les foules ; peu de personnes dans cette contrée, ont des noms qui flamboient comme un phare et qui raisonne comme un chant de triomphe.

Je remercie sincèrement Chérif Zananiri d’avoir eu l’amitié de se livrer à ce jeu des questions-réponses.
© Jean-Louis RIGUET le 25 novembre 2022, Sociétaire de la Société des Gens de Lettres

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